Quelles différences faites-vous entre le travail de documentariste et celui de journaliste, à propos de la guerre en Syrie ?
« Après le début de la guerre, on avait des millions d’images tournées par des journalistes, des photos, des articles. Tout le monde voulait parler de la Syrie, montrer des images de la guerre… Le travail des journalistes consiste à enregistrer un événement sans ajout artistique, sans effets ni filtres. Faire un film, c’est travailler sur tous les éléments : le son, l’image, l’histoire, l’accentuation sur l’un ou l’autre personnage, etc. Je pense que les réalisateurs syriens éprouvent une véritable difficulté à faire la part des choses entre le reportage et le cinéma. S’ils filment la guerre en Syrie, ils voudront voir des gens mourir dans leur cadre, un immeuble s’effondrer dans leur champ — mais ces types de sujets et de plans que l’on peut regarder sur YouTube, ou plus généralement sur les réseaux sociaux ou à la télévision, on les voit tous les jours : ils n’apportent rien de plus que ce que l’on connaît déjà. Le cinéma prend ces éléments et les place sur un tout autre niveau que celui du reportage. Grâce à lui, nous pouvons dégager l’aspect psychologique d’une situation, le ressenti des hommes. Dans le reportage, le journaliste et le sujet sont seulement l’un en face de l’autre : rien n’est approfondi, rien ne touche véritablement à la psyché. (…) Mais c’est la manière dont le réalisateur traite le sujet qui est nouvelle et inconnue. Celui-ci a choisi de nous montrer une certaine partie de ce qu’il voit, sous un certain angle, avec sa manière de considérer le contexte. Quand nous parlons de cinéma, il ne s’agit pas simplement de voir quelque chose et de s’informer sur un sujet. C’est bien différent de la télévision et du reportage.»
Entretien extrait de Cinéma par Ballast