Srour Heiny
Je viens d’une famille libanaise, de confession juive. J’ai débuté comme enseignante et journaliste, tout en bataillant contre les mariages arrangés. J’ai arraché à mon père la permission de bénéficier d’une bourse d’études française pour un Doctorat d’Anthropologie à la Sorbonne. C’était, en fait, un paravent pour mes ambitions cinématographiques car il n’y avait pas de bourse d’études de cinéma pour les femmes à cette époque. J’ai profité de ce passage en France, pour participer à la petite section audiovisuelle, fondée par Jean Rouch à Nanterre.
Entre 1971 et 1974, j’ai réalisé mon premier long métrage, L’Heure de la libération a sonné, tourné en pleine Guerre du Dhofar, insurrection conduite par le Front Populaire de Libération du Golfe Arabe Occupé (FPLGAO), opposé à la présence des troupes britanniques à Oman. Durant le tournage, mon équipe et moi avons franchi à pied 800 kilomètres de déserts et de montagnes, sous les bombes de la Royal Air Force. J’ai pu réaliser ce film uniquement parce le FPLGAO était d’un féminisme extraordinaire, chose rarissime dans la gauche arabe … et ailleurs.
Il a été, en 1974, le premier film réalisé par une femme du « tiers-monde » à être sélectionné au Festival de Cannes. Je ne remercierai jamais assez la Cinémathèque française et le CNC de l’avoir restauré, il y a quelques années. Mais, pour la réalisation de ce documentaire, je m’étais endettée financièrement et c’est comme ça qu’en 1975 je me suis retrouvée sans le sou à Londres lorsque j’ai appris la fermeture de l’aéroport de Beyrouth en raison de la guerre civile. Bloquée sur le sol britannique, j’ai dû apprendre l’anglais et gagner péniblement ma vie.
Filmo :
– Rising above : Women of Vietnam (1995)
– Les Yeux du cœur (1994)
– The singing Sheikh (1991)
– L’heure de la libération a sonné (1974)